Sujet n°3 : En quoi le sacre du printemps est une oeuvre qui garde aujourd'hui, toute son actualité

Vous préciserez, selon, vous, en quoi le sacre du printemps est une oeuvre qui garde aujourd'hui, toute son actualité, et se traduit notamment par le fait que, depuis quelques années, de nombreux chorégraphes se confrontent à la partition de Stravinski et "font" leur sacre.

Date limite : 29 mars.

Comments

[Elsa]

Le Sacre du Printemps, oeuvre chorégraphique et musicale incontournable ne cesse de susciter mystère et innovation depuis son dévoilement au grand public parisien en 1913 par les Ballets - russes de Serge de Diagilev. En effet, cette oeuvre chorégraphié par Vaslav Nijinski et composée par Igor Stravinsky révèle le scandale le plus notable de l’Histoire de la Danse. Il brise l’esthétisme du ballet classique ouvrant ainsi à un tournant créateur fondamental de l’Histoire de la Danse: la danse dite moderne, contemporaine. L’oeuvre construit sur un rituel païen d’adoration, nous met face à un sacrifice sanguinaire d’une jeune fille vierge élue par la terre. La violence sémantique et symbolique du Sacre du Printemps est également présente dans la musique: cet ensemble de notes et rythmes dissonants, sans aucune harmonie classique révèlent une puissance rythmique pulsationnelle angoissante, créée notamment grâce au détournement de la fonction musicale de chaque instrument (violon qui habituellement crée l’harmonie crée la rythmique); mais également dans la danse où les corps sont malmenés, en dedans, le dos est courbé et s’inscrivent dans une gestuelle anguleuse, les pas sont lourds, saccadés et n’ont aucun lien eux, aucune légèreté. L’ensemble de ces facteurs d’un esthétisme moderne place le public dans une atmosphère dionysiaque, dans un effort qui semblerait être insurmontable, une violence créatrice originelle, dans une oppression et un inconfort qui font toute la complexité et la beauté de cette oeuvre fondatrice.

De nos jours, plus de 250 versions du Sacre du Printemps sont comptabilisées cette oeuvre est devenue incontournable dans le répertoire des plus illustres chorégraphes tel que Pina Baush, Maurice Béjart, Jean Claude Gallotta ou encore Angelin Preljocaj. Ces créations, relectures d’une oeuvre mythique font part entière du patrimoine chorégraphique mondiale. Pourquoi cette oeuvre rejet d’un esthétisme apollinien, si scandaleux suscite-t-elle plus d’un siècle plus tard autant d’engouement et de nécessité créatrice ? Comment le Sacre du Printemps, source inépuisable de création par son sens ontologique est-il toujours d’actualité ?







La nécessité de création liée au Sacre du Printemps est sans contexte liée à la dimension symboliquement universelle et au questionnement ontologique que soulève l’oeuvre. On peut tout d’abord observer dans le Sacre du Printemps un questionnement métaphysique lié à notre condition humaine dans sa cohabitation avec la nature, force primaire que l’Homme ne peut maîtriser. Par ce lien avec la nature on observe l’incertitude tumultueuse et angoissante de l’Homme face à son cycle de vie, sa vie et sa mort. Mais le Sacre du Printemps fonde également un point de vue sociétal, l’Homme n’est pas un être de solitude, il dépend d’autrui et autrui dépend de lui dans la reconnaissance propre de son existence, de sa conscience et de son individualité. De plus, lorsque l’Homme naît il ne peut subvenir à ses besoins vitaux seul, il dépend d’autrui sans lequel il serait voué à la mort. Cependant, il semblerait que le Sacre du Printemps dans cette alliance irrémédiable avec la nature cherche à révéler la nature humaine dans son aspect le plus primitif, le plus instinctif voir même animal, c’est pourquoi bon nombre de chorégraphes ont vu dans le Sacre du Printemps une révélation de la sexualité primitive perçue comme une forme de violence baignée dans le sang féminin. Cette sexualité s’éveillant en même temps que la nature au printemps peut être montrée comme un éveil innocent chez Maryse Delente (cf: l’éveil du printemps de Frank Wedekind), une nécessité bestiale chez Maurice Béjart ou encore un viol chez Pina Baush. Par ce rapport à la sexualité universellement humain le Sacre du Printemps conserve un grand retentissement actuel. Le Sacre du Printemps montre l’alliance primaire entre deux êtres, fondement de la société. De plus, la sexualité part entière d’une condition humaine fondamentalement universelle diffère selon les situations liées à l’Histoire en ce sens le Sacre du Printemps serait en perpétuel relecture, renouvellement métaphysique lié à la sexualité, c’est bien cette mouvance qui fait toute la richesse du Sacre du Printemps.



Bien loin des danses savantes nous pouvons retrouver cet revendication sexuelle dans la danse populaires, dans une danse descendante du Hip Hop: Le Voguing. Cette dernière objet de revendication de la communauté homosexuelle américaine utilise l’iconographie féminine du monde de la mode. Cette référence confère au Voguing toute sa singularité et son étrangeté dans son identité gestuelle, c’est à travers la danse que la communauté LGBT revendique son identité sexuelle et sa différence dans une société où leur acceptation est souvent contestée. Nous pouvons également retrouver cette nécessité de création motivée par un élan dionysiaque dans le Krump. Le mot Krump signifie Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise. Si on veut le traduire mot à mot en français, cela donnerait « louanges puissantes au royaume radicalement soulevé » mais elle signifie « élévation du royaume par le puissant éloge ». On retrouve par le Krump l’effort visible compris comme exutoire à la souffrance, comme une catharsis. C’est un moyen de se lier au divin en trouvant un état de conscience particulier par la transe. C’est encore une revendication identitaire d’une minorité par la danse. Le Krump est tout comme le Voguing construit sur une hiérarchie particulière qui crée comme une petite société et qui dans le Krump est relié à une dimension spirituelle et éducatrice fondatrice.



Le Sacre du Printemps scandale esthétique aussi bien chorégraphique que musicale est devenu un véritable mythe de notre condition humaine. Cette condition et existence humaine source de questionnements inépuisables nous dévoile la nécessité de créer par l’Art, et notamment d'éprouver par le corps une souffrance, une violence, catharsis d’une existence.

En ce sens il est nécessairement toujours d’actualité depuis sa création.

[Louise]

Tout d'abord, cette oeuvre est encore aujourd'hui très actuel par sa musique, surtout pour nos oreilles occidentales. Elle a choqué les personnes sortant d'un romantisme ou la musique vient exprimer des émotions naïves et la sensibilité alors qu'ici Stravinsky apporte une certaine forme de brutalité à cause de ces agrégats sonores qui choquent moins de nos jours. Mais n'oublions pas que ce genre d'accords ne font pas partie de notre style musicale occidentale mais que nous acceptons sa musique grace a notre ouverture culturelle. De plus, ses thèmes pouvant être dérivés de différentes façons montre la modernité de cette oeuvre. On parle premièrement d'un sacrifice humain pour la nature, le sacrifice humain qui vient poser une question existentielle qui est la raison de la vie sur terre, question qui a notre époque n'est pas résolue et qui ne pourra jamais l'être. Si on parle du sacrifice tout cours, les sujets dérivés peuvent être multiples et tout aussi contemporain et intemporel que le premier. Puis vient le sujet de la nature, du réveil de sa force au printemps ou simplement sa force qui peut être dévastatrice comme lors des catastrophes naturelles sachant que celles ci ne peuvent être évitées même dans les siècles à venir, ou seulement comment protéger la nature, la sauvegarder, par le sacrifice chez les païens ou le recyclage, grand problème de notre société et de celles à venir. Dans cette oeuvre, tout n'est symbole, mais le symbolisme dans sa forme la plus crue. Pas seulement la musique mais la danse, libérée des contraintes abusives d'un académisme et d'un romantisme encore très encore ancrées dans cette société du début du XX ème siècle. Elle vient se montrer sous une forme plus primitive et plus brutale mais de façon fière et affirmée. Elle n'est pas la pour être belle et gracieuse mais profonde et pleine de symbole. Et grace a cela, elle restera mythique et traversera les âges.

Pour conclure, je dirai que toute cette modernité qui se dégage de cette oeuvre fait d'elle une des oeuvres la plus reprise a notre époque et qu'elle n'en restera pas la. Tellement de chorégraphes se sont confrontés à la partition de Stravinsky et tant qu'ils respectaient l'âme et les thèmes principaux qui font de cette oeuvre un succès contemporain, ils fabriqueront comme une nouvelle branche cet arbre mythique du sacre printemps.